Rencontre instructive avec le Parc Marin d’Iroise

 

Répondant favorablement à la sollicitation de notre association, deux représentants du Parc Naturel Marin d’Iroise (PNMI), MM. Antoine BESNIER et Livier SCHWEYER, respectivement chef de l’unité sud du service Opérations et technicien agent de terrain, sont venus lundi 18 mars 2024 à la Maison du Nautisme à la rencontre de nos adhérents.

Leurs locaux étant installés sur l’île Tristan, c’est donc en proches voisins qu’ils ont présenté à un auditoire d’une trentaine de personnes les missions et le fonctionnement du PNMI et répondu de bonne grâce aux questions posées.

Outre nos adhérents PTPR, étaient également présents Dominique ROPARS, nouveau président du CD29 de la FNPP, accompagné de son vice-président Joël ARVOR.

Participait également à la réunion Mme Anouk VILLEDIEU, universitaire chargée de la mise en œuvre du projet expérimental HOPOPoP (plus de détails en fin d’article).

 

Livier SCHWEYER a commencé par dresser en quelques dates l’historique du Parc rappelant que l’idée de la création d’un parc national a été émise au début des années 90. Le projet suscitant de fortes oppositions, c’est finalement en 2007 qu’est paru le décret instituant sa mise en place. À noter que le PNMI est le premier parc naturel marin français qui en compte désormais 9. Résumé en une phrase, son but est de permettre une meilleure gestion du domaine maritime de la mer d'Iroise, en vue de la préservation et du développement durable de cet espace exceptionnel.

 

Antoine BESNIER nous a toutefois bien précisé qu’il s’agit d’un parc naturel marin et non d’un parc national comme envisagé à l’origine. La distinction a son importance car le concept de parc naturel marin est d’une certaine manière la version allégée d’un parc national. Moins contraignant, il réduit ses capacités à imposer des décisions, lui conférant avant tout un rôle consultatif.

 

Dès lors, on comprend mieux pourquoi certaines activités et pratiques qui peuvent nous paraître contraires à la préservation du milieu marin ne font pas l’objet de restrictions ou d’interdictions. Les personnes présentes ont bien sûr pensé à la pêche à la bolinche en hiver dans les faibles profondeurs de la baie ainsi qu’aux pétardements de mines sous-marines auxquels procède la Marine Nationale.

Livier SCHWEYER et Antoine BESNIER
Livier SCHWEYER et Antoine BESNIER

Le PNMI : comment ça marche ?

 

Le Parc marin est placé sous l’égide de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) établissement public dédié à la protection et la restauration de la biodiversité, sous la tutelle des ministères chargés de l'écologie et de l'agriculture.

 

L’organe décisionnel du PNMI est le conseil de gestion. Il est composé de 50 personnes qui représentent l'État (6 personnes), les collectivités territoriales intéressées (12 personnes), des organisations représentatives des professionnels et des usagers (22 personnes) ainsi que des personnalités qualifiées (9 personnes).

Présidé par le président du Conseil départemental du Finistère, il se réunit environ 1 fois par trimestre.

Notre fédération, la FNPP, y a un représentant en la personne de Pierre COLIN, président de l’association des pêcheurs plaisanciers de Crozon-Morgat.

 

Compte tenu de la diversité, voire de la divergence d’intérêts qui peuvent s’exprimer au sein du conseil de gestion, Antoine BESNIER a attiré notre attention sur l’importance pour les plaisanciers de savoir actionner les bons leviers pour faire entendre leur voix et défendre efficacement leurs intérêts face à des organismes mieux structurés et plus influents.

 

En ce qui concerne les projets susceptibles d’avoir un impact sur l’équilibre marin, le PNMI n’a qu’un pouvoir consultatif. Il est appelé à émettre deux sortes d’avis en fonction de l’importance du sujet : des avis simples et des avis dits conformes (ex : en cas d’extension de porcherie sur le bassin versant). Michelle AUTRET a fait remarquer que certains élus de communes littorales incluses dans le périmètre du Parc ignorent ou négligent encore le caractère obligatoire de cette consultation !

 

Les actions du Parc sont déclinées dans un plan de gestion, véritable feuille de route établie sur une période de 15 ans.

Chaque année, le Parc marin édite son tableau de bord. Ce document est composé d’une batterie d’indicateurs qui sont suivis et évalués tout au long des 15 années du plan de gestion.

 

Le plan actuellement en vigueur arrive donc prochainement à échéance. Il avait ciblé prioritairement les zones rocheuses (Ouessant, Molène, Sein et sa chaussée, Cap de la Chèvre).

La rencontre d’aujourd’hui tombe donc à pic puisque Antoine BESNIER nous a confié que le prochain plan devrait plus spécifiquement concerner la baie de Douarnenez. À nous donc, plaisanciers pêcheurs de loisir, de savoir nous faire entendre au conseil de gestion pour que nos intérêts soient entendus et pris en compte.

Le PNMI : à quoi ça sert ?

 

Un parc naturel marin doit équilibrer ses actions autour de trois principes: l’acquisition et la diffusion de la connaissance sur l'environnement marin, la protection de cet environnement et le soutien aux activités économiques durables dépendantes de la mer.

Livier SCHWEYER nous a dressé la liste des dix orientations de gestion du Parc fixées au moment de sa création, à savoir :

  • Approfondissement et diffusion de la connaissance des écosystèmes marins
  • Maintien en bon état de conservation des populations des espèces protégées, rares ou menacées et de leurs habitats
  • Réduction des pollutions d'origine terrestre ainsi que du risque de pollutions maritimes et portuaires diffuses ou accidentelles
  • Maîtrise des activités d'extraction de matériaux
  • Exploitation durable des ressources halieutiques
  • Soutien de la pêche côtière professionnelle
  • Exploitation durable des champs d'algues
  • Soutien aux activités maritimes sur les îles afin d'y maintenir une population d'habitants permanents
  • Conservation et valorisation du patrimoine paysager, architectural, maritime et archéologique, notamment sous-marin, et des savoir-faire locaux
  • Développement raisonné des activités touristiques, nautiques et de loisirs, compatibles avec la protection des écosystèmes marins.

Sans vouloir faire de procès d’intention, les esprits les plus critiques n’auront pas manqué de mettre en parallèle le soutien de la pêche professionnelle et le développement raisonné des activités de loisir (dont la pêche que nous pratiquons). Dont acte !

Quels sont les moyens du PNMI ?

 

Sur un plan financier, le budget annuel du Parc s’établit aux alentours de 800 000 € par an.

Pour assurer ses missions, il dispose d’un siège au Conquet et d’une antenne technique à Douarnenez. Outre l’encadrement administratif, il est composé de deux services : un service Ingénierie installé au siège (environ 20 personnes) et un service Opérations (comprenez les agents de terrain) de 12 personnes (1 chef de service, 6 au nord, 5 au sud).

Plus précisément, le service Opérations procède à la surveillance et au contrôle des usages, réalise les suivis scientifiques et la sensibilisation auprès des usagers de la mer. Les agents sont commissionnés et assermentés pour faire appliquer les réglementations en matière de contrôle des pêches, de police de l’environnement et des polices de la circulation et des biens culturels maritimes.

 

Antoine BESNIER nous a expliqué que l’activité de terrain, c’est environ 200 sorties en mer par an, d’où l’importance de disposer d’un équipement adapté et parfaitement opérationnel.

Pour effectuer les comptages de poissons, IFREMER a développé un chalut d’échantillonnage scientifique moderne à grande ouverture verticale dans le cadre du projet NourDem (*). Dans la baie, sa mise en œuvre est menée sur le bateau d’un pêcheur professionnel de Morgat en collaboration avec l’IFREMER.

 

S’agissant de la sensibilisation des usagers, Livier SCHWEYER indique que le Parc intervient régulièrement dans les établissements scolaires et est déjà allé à la rencontre de près de 4000 élèves.

 

Questions d’actualité

 

Les adhérents n’ont pas manqué d’évoquer le projet d’arrêté relatif la pêche de loisir du lieu jaune en zone CIEM 7 comportant une période d’interdiction de 4 mois et l’instauration d’un quota journalier.

Antoine BESNIER a volontiers admis que les conditions de la consultation nationale n’étaient pas de nature à favoriser l’expression des pêcheurs de loisir. Il est malgré tout convaincu que le projet d’arrêté sera rapidement adopté.

Moins structurés et plus résignés que les pêcheurs professionnels, les pêcheurs récréatifs ont, dans cette affaire, le sentiment de servir de bouc émissaires. Ils estiment que l’on néglige leur poids économique et qu’a contrario, on exagère leur impact sur la ressource.

 

À propos justement de la mesure de l’impact de la pêche amateur, Antoine BESNIER a évoqué la mise en place en 2028 d’une déclaration de pêche en mer. Le dispositif devrait permettre de mieux appréhender les prélèvements opérés par les plaisanciers. Dominique ROPARS précise que la FNPP y est favorable, à condition toutefois que la déclaration ne se transforme pas ultérieurement en un permis de pêche, comme c’est le cas en Irlande par exemple.

 

Concernant la suggestion d’immersion de récifs artificiels dans la baie de Douarnenez, Antoine BESNIER n’y est pas favorable. Le Parc privilégie la mise en place de zones de protection fortes (autrement dit des sanctuaires) et procède actuellement à un inventaire des zones potentielles en baie de Douarnenez, ciblant en particulier la fonction nourricière des plages. Il précise qu’un objectif de 10 % du territoire maritime a été fixé au plan national.

 

À une question concernant les casiers entreposés sur l’île Tristan, Antoine BESNIER a répondu qu’ils ont été confisqués car non conformes et sont donc voués à la destruction.

 

En fin de séance, Anouk VILLEDIEU a été invitée à présenter en quelques mots le projet HOPOPoP dont est partenaire l’OFB (et donc le PNMI).

Mené et financé par ISblue (école universitaire de Recherches en Sciences et Technologies Marines), le projet consiste à « proposer de mobiliser des méthodes innovantes pour partager les connaissances, échanger et explorer les futurs possibles en Iroise ».

Dans ce cadre, Anouk VILLEDIEU a mené des entretiens avec un tissu d’acteurs représentatifs des différents secteurs d’activités en mer d’Iroise, dont la pêche récréative. Suite à ces rencontres, des questionnaires seront transmis aux associations pour diffusion auprès de leurs adhérents. Elle espère que les pêcheurs plaisanciers y répondront favorablement.

 

Quelques adresses utiles pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin :

  • Parc Marin d’Iroise : https://parc-marin-iroise.fr/
  • IFREMER, projet NourDem : https://nourdem.ifremer.fr/Objectifs
  • Isblue (projet HOPOPoP) : https://isblue.fr/hopopop/

 

(*) Projet NourDem : Nour pour nourriceries et Dem pour démersales (espèces vivant dans la colonne d’eau, mais pouvant avoir des interactions avec le fond : bars, merlans, mulets, maigres…)