Il doit ramer dur pour avoir la pêche

 

 

Perchée à flanc de colline, la maison de style contemporain en forme de coque de bateau domine la plage de Lestrevet sur la commune de Plomodiern au bout de la fameuse Lieue de Grève. Les larges baies vitrées s’ouvrent sur une terrasse en bois et offrent au regard un panorama exceptionnel sur la baie de Douarnenez et ses couchers de soleil flamboyants.

C’est dans cet écrin marin que Gildas Autret, seul et unique (pour l’instant) kayakiste de l’association PTPR, accueille le visiteur.

Après avoir exercé à Paris, puis à Nantes et, enfin, à Quimper son activité de cadre commercial des réseaux de Télécommunication au sein d’une entreprise dont le nom rappelle la couleur de son embarcation, Gildas est désormais en retraite.

Cela fait une quinzaine d’années qu’il s’est durablement installé à cet endroit avec femme et enfant, à quelques coups de pagaie de sa ville natale, Douarnenez.

Des décors muraux aux vieux moulinets exposés en vitrine (en parfait état de marche, précise-t-il), en passant par la combinaison néoprène mise à sécher après la sortie matinale et les leurres fraîchement repeints et revernis accrochés à une chaise, tout témoigne de la passion de Gildas pour la pêche en mer.

 

Et ses yeux brillent encore de la rencontre fortuite qu’il a faite le matin même, à bord de son kayak, avec un thon rouge lui rappelant la précédente avec une tortue luth aperçue à quelques dizaines de mètres du kayak cet été à Nevez.

 

 

 

La révélation sur la « plage du curé » (*)

 

Précisément, pourquoi Gildas a-t-il fait le choix du kayak comme mode de déplacement sur l’eau ? Cela lui est apparu comme une évidence le jour où il a fait la rencontre de deux kayakistes sur la plage de Trez Bellec à Telgruc. Certes, Gildas en convient, ce n’est pas le moyen de locomotion le plus confortable mais il lui offre de nombreux avantages.

En premier lieu, il ne lui est pas nécessaire de se rendre à Douarnenez ou Morgat pour prendre la mer ; la plage est à deux pas. Deux roulettes sous la coque et, hop, le voilà à pied d’œuvre en à peine cinq minutes.

En second lieu, le budget Kayak est dérisoire. Même si les prix peuvent aller jusqu’à 3 000 € pour les plus sophistiqués, le sien lui a coûté en tout et pour tout... 800 € il y a 15 ans et il ne nécessite aucune dépense d’entretien ou de réparation. Idéalement, Gildas serait bien tenté par un bateau-voiture amphibie mais les prix restent prohibitifs (environ 150 000 € pour le Tringa fabriqué à Perros-Guirec).

 

Enfin, en contact direct avec les éléments (eau et vent), les sensations sont celles des sports de glisse et le silence lui permet de profiter pleinement de son environnement.

 

 

 

Gildas et son kayak

 

 

(*) traduction de « Trez Bellec »

 

 

 

Mini bateau pour maxi pêche

 

Pour pouvoir pratiquer la pêche dans un rayon de 2 milles nautiques, Gildas a dû faire homologuer son « Wagenig » (c’est le nom de son kayak), le doter du matériel de sécurité réglementaire et le faire immatriculer auprès des Affaires maritimes, à Douarnenez bien sûr !

L’aménagement du bateau pour la pêche peut sembler rudimentaire de prime abord mais il est avant tout le fruit de ses expériences passées. Ses trouvailles, aussi simples qu’ingénieuses, ont été pensées pour que les chavirages dans les rouleaux ne provoquent aucune casse, perte de matériel ou de godaille.

Elles lui ont même valu tout récemment la parution d’un article dans la revue de la Fédération nationale des Pêcheurs plaisanciers.

 

Ses pêches, parlons-en. Gildas ouvre un petit carnet dans lequel il a soigneusement noté les conditions et résultats de ses nombreuses sorties : dates, météo, observations marines, leurres utilisés et prises effectuées.  L’écriture est très serrée et les pages bien noircies.

Un joli bar de 5 kg

 

 

Outre une multitude de bars de belle taille (entre 3 et 5 kg), Gildas a remonté en février 2012 une morue de 4,15 kg et en décembre 2016 un superbe rouget-barbet d’1,15 kg d’une longueur de 41 cm.

Mais sa sortie la plus mémorable a eu lieu en mars 2011 dans le secteur de Basse Augustine ; à l’arrivée : 6 morues (la plus grosse pesait 3,3 kg) et 6 bars, dont un de 3 kg (rappelons au passage que les quotas n’existaient pas à l’époque) pour un poids total de 22,6 kg. Le tout avec un leurre souple de couleur bleue sur une canne lancer de 2,15 m et un moulinet Shimano 4000.

 

Des leurres, Gildas en possède une impressionnante collection : des lourds, des légers, des petits, des grands, des durs, des souples, aux couleurs claires ou sombres, aux reflets irisés ou multicolores, à billes, à bavettes, etc. Il n’a que l’embarras du choix et complète régulièrement sa collection gratuitement au gré des ramassages qu’il effectue parmi les algues échouées sur la plage.

 

 

Un aperçu de la collection automne-hiver

 

 

Pas gai tous les jours

 

Contrairement à de nombreux plaisanciers, Gildas ne fait pas de pause hivernale. Il est vrai que son embarcation ne nécessite pas de carénage ou de révision du moteur. Il sort donc tout au long de l’année et, parfois, dans une eau à 8 ou 10 °. Frileux s’abstenir !

Toujours à l’écoute des prévisions météo, il lui est cependant arrivé de se faire surprendre par le mauvais temps comme ce jour où il dut subir une tempête de neige amenée par un gros coup de vent d’est. Ou encore cette fois où, en totale inconscience comme il l’avoue volontiers, il a pris la mer malgré une très grosse houle de près de 4 mètres pourtant annoncée par le célèbre site « Windguru ». Bilan : une côte fêlée et une grosse frayeur après avoir chaviré trois fois avant de pouvoir toucher terre au bord de l’épuisement. Un surfeur attentionné lui est opportunément venu en aide. La leçon a été retenue ; désormais, la sagesse lui commande de renoncer à sa passion lorsque la houle atteint les 2 mètres.

Il y a deux ans enfin, un véritable mur d’eau venu du large charrié par un fort vent d’ouest s’est abattu subitement sur son embarcation alors qu’il était en pêche sur Basse Nevez. N’ayant plus aucune visibilité (il distinguait à peine l’étrave de son kayak), il était dangereusement soulevé par la houle et dans l’impossibilité de pouvoir consulter son compas portatif sans risquer de chavirer. Analysant la situation avec sang-froid, Gildas s’est laissé porter par la vague, en s’efforçant de maintenir le bateau dans l’axe des vagues au moyen de la pagaie en guise de gouvernail. Au prix d’une concentration de tous les instants et avec un minimum de chance, il a pu regagner la terre ferme sans encombre. Les marins présents ce jour-là à bord d’un navire de la Marine Nationale croisant dans les parages doivent être encore à se demander comment il s’en est sorti. Suite à cette aventure, Gildas a doté son kayak d’un compas fixe.

A la lumière de ces péripéties, Gildas rappelle que prudence et maîtrise de soi sont des qualités indispensables à la pratique sereine de son activité, comme toute activité nautique d’ailleurs. Il tient cependant à préciser que sa pratique personnelle qui consiste à partir de la plage pour y revenir rend l’exercice plus périlleux qu‘un départ et une arrivée à partir d’un port. Il n’en demeure pas moins que le dessalage fait partie intégrante de l’éducation du kayakiste, à l’instar du dériveur léger. À cet égard, sa solide expérience d’apnéiste (il pratique la pêche des araignées depuis ses 17 ans) lui est utile lors des chavirages dans les rouleaux quand il doit rester quelques instants sous l'eau avant de revenir en surface pour éviter la retombée du kayak.

Gildas insiste aussi sur la nécessité d’être en bonne condition physique. Pratiquant assidu de la course à pied, il a participé à deux marathons (Paris et Vannes) et parcourt chaque semaine environ 15 km. Même si, en kayak, les bras sont plus sollicités que les jambes, l’endurance acquise progressivement reste le carburant essentiel.

 

Une opportunité d’ouverture pour PTPR

 

Cela fait 7 ou 8 ans que Gildas est devenu adhérent de l’association PTPR et il en est, à ce jour, le seul représentant de sa discipline. Intégré depuis un an à son Conseil d’Administration, il apporte aux autres membres de l’équipe un éclairage fort instructif sur sa pratique et conduit les adhérents à porter un regard nouveau et bienveillant à l’égard des kayakistes. La mer se partage et, bien que relativement rapide et manœuvrant, le kayak n’en demeure pas moins un engin peu visible et vulnérable sur l’eau.

Son bénévolat auprès des « Restos du Cœur » atteste également de son désir de partage. Gildas apprécie de pouvoir échanger avec les autres pêcheurs amateurs sur les pratiques halieutiques (montages, choix des leurres et du matériel). Il est même disposé à les faire  profiter de sa connaissance approfondie du secteur (Basses Nevez, Basses Augustines, Basse Sainte-Anne…).

Mais avant tout, Gildas aimerait bien que d’autres kayakistes viennent le rejoindre au sein de l’association. À 63 ans et en pleine forme, il se donne encore 10 ou 15 ans de plaisir nautique, durée largement suffisante pour témoigner de son expérience, prodiguer ses précieux conseils et transmettre sa passion aux plus jeunes.

 

L’appel est lancé. Avis aux amateurs !

Pascal Morvan (octobre 2020)